Construction d'une Ecole

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Ecole de terre, de bois et de paille trop fragile pour les cours lors des pluies

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L'intèrieure des salles de classe pouvant recevoir plus de 50 élèves
 

Un Bâtiment, des Vies Transformées : Le Récit de la Construction d'une École au Togo

L'urgence d'un nouveau commencement

Cet article se propose de retracer l'histoire d'une transformation, celle d'une école au Togo. Au-delà d'une simple documentation de projet, il s'agit d'une analyse approfondie et contextualisée des défis, des collaborations et des impacts qui sous-tendent une telle initiative.

L'Afrique subsaharienne affiche les taux d'exclusion de l'éducation les plus élevés au monde, une situation qui s'aggrave avec une pression démographique croissante. D'ici 2030, la région aura besoin de la construction de 9 millions de salles de classe et du recrutement de 11 millions d'enseignants pour répondre à cette demande.

Le Togo, conscient de cet enjeu, a inscrit l'amélioration de ses infrastructures éducatives au cœur de son Plan Sectoriel de l'Éducation (PSE), prévoyant notamment la construction de 460 nouvelles salles de classe dans les zones rurales et défavorisées. Ces efforts sont complétés par des partenaires techniques et financiers, ainsi que par des initiatives locales soutenues par des communautés. C'est dans ce contexte national d'investissement et de réforme continue qu’un projet singulier prend tout son sens : le passage d'une structure précaire à un bâtiment durable, symbolisant l'engagement du pays à faire de l'éducation un véritable levier de développement.

Plan ecole

3 salles de cours, le bureau du directeur, le réserve de matériel

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Une école terminée
 

Les fondations de la vulnérabilité – L'ancienne école et le besoin pressant

Le point de départ de ce projet est une réalité alarmante, partagée par de nombreuses communautés rurales au Togo. L'ancienne école, construite avec des matériaux rustiques tels que la terre, le bois et la paille, incarne la précarité du système éducatif dans certaines zones. Plus de 75 % des salles de classe dans le pays sont encore en matériaux provisoires. Ces structures, vulnérables aux intempéries et aux incendies, n'offrent qu'une protection minimale, ce qui peut les rendre inutilisables pendant de longues périodes. En période de pluies, il n'y a pas toujours cours, venir à l'école est trop dangereux, les bâtiments risque de s'effondrer.

Les conditions d'apprentissage à l'intérieur de ces bâtiments sont tout aussi précaires. Les classes sont souvent surpeuplées, pouvant accueillir plus d'une centaine d'élèves. Les enfants sont contraints de se serrer à quatre ou cinq sur des table-bancs ou même de s'asseoir à même le sol. L'absence d'infrastructures de base, comme l'eau et l'assainissement, est un problème majeur qui va bien au-delà du simple manque de confort. De plus, les enseignants manquent souvent de formation et de matériel pédagogique pour délivrer un enseignement de qualité. 

L'insuffisance des infrastructures éducatives n'est pas une problématique isolée ; elle agit comme un facteur aggravant de problèmes sociaux profonds. L'absence de salles de classe durables et d'installations sanitaires adéquates (voir nos construction de latrines sur les mêmes sites scolaires) est directement liée à la déperdition scolaire. En particulier, les jeunes filles sont deux fois plus touchées par le décrochage scolaire que les garçons, en raison notamment des grossesses non désirées et des violences sexuelles. Le manque de latrines et de conditions d'hygiène contribue significativement à ce phénomène, car cela peut pousser les filles à quitter l'école. De même, l'absence d'un environnement scolaire stable expose les enfants au travail infantile dans les champs, créant un cycle de pauvreté et de déscolarisation qui se perpétue de génération en génération. Un investissement dans le bâtiment est ainsi un investissement dans la résolution de ces problèmes sociaux et un moyen de briser ce cercle vicieux. 

Il existe une certaine division entre les ambitions affichées par le gouvernement togolais et la réalité sur le terrain. Alors que le Plan Sectoriel de l'Éducation bénéficie d'investissements conséquents (213 milliards de FCFA en 2024)  et prévoit la construction de centaines de nouvelles classes, la majorité des écoles du pays (les Écoles d'Initiative Locale ou EDIL) ont vu le jour grâce à l'engagement des communautés elles-mêmes, et non pas par le financement public. Cette contradiction révèle que l'ampleur du besoin dépasse la capacité de financement de l'État seul, ce qui légitime et justifie pleinement le rôle crucial des ONG et de la société civile pour compléter les efforts nationaux et locaux. 

Epp cm1 sanguera 2

Exemple de classe surchargée de plus de 60 écoliers (CM1 à Sanguera)
 

Classe 5

Environ 50 enfants dans une classe de niveau CP
 

L'édification d'un rêve – Les phases de construction

Imgp1653La construction de la nouvelle école a débuté par une phase de planification minutieuse, illustrant une approche ascendante essentielle au succès de tels projets. Contrairement aux projets centralisés, cette méthode débute par une réunion préparatoire sur le chantier, en présence du chef du village, des directeurs d'école, des parents et des membres de la communauté et du représentant de notre association sur place, Kodjo, garantissant ainsi que les besoins locaux sont au centre des décisions.

Les travaux de construction ont ensuite suivi un processus technique et structuré, s'étalant sur plusieurs mois. Les étapes ont inclus la réalisation des fouilles et des fondations, le coulage de la dalle, l'éléKodjo et adha 1vation des murs en blocs, la mise en place de la charpente et de la toiture en tôle. L'expertise technique a été apportée par des volontaires spécialisés, des artisans spécialisé dans ces bâtiments, qui a encadré et soutenu les ouvriers locaux, des bénévoles voulant faire progresser leur village. Ce recours à une main-d'œuvre locale n'est pas une simple aide, mais un transfert de compétences qui renforce la capacité technique de la communauté et garantit que les connaissances pour l'entretien et la maintenance future sont présentes sur place.

L'implication d'une expertise technique garantit que l'infrastructure est construite avec des matériaux durables, contrairement aux anciennes structures provisoires. Cette approche assure que le bâtiment sera un investissement à long terme, capable de résister aux aléas climatiques. Le projet est supervisé par notre présence par l'intermédiaire de Kodjo (à droite) ou Ablam (à gauche), chargés de contrôler l'avancement des travaux, la bonne utilisation des matériaux et la gestion budgétaire. Cette supervision est un élément clé de la gouvernance du projet, assurant la redevabilité et l'efficience des ressources investies. Ce modèle de synergie entre nous et la communauté locale illustre comment une approche décentralisée et participative est essentielle pour surmonter les défis structurels et garantir la pérennité de l'investissement.

Notre objectif est qu'avec ce modèle participatif, nous voulons que les habitants du village s'approprient pleinement le bâtiment. Construit pour et par eux, il encourage les parents à envoyer leurs enfants à l'école.

Debut murs

Dos du bâtiment
 

Construction 3

Montage coffrage des poutres de chaînage
 

Construction 2

Nous coulons le béton pour le chaînage

Charpente

Les différents bois de charpente sont préparés

Construction 1

Les premières entraits sont posés

Toiture 1

Pannes et chevrons posés, la tôle arrive

Les architectes de l'avenir – La participation des enfants

La participation des enfants à la construction est un aspect souvent mal compris, mais fondamental pour le succès et la durabilité d'un projet éducatif. Cette section illustre comment les jeunes bénéficiaires ont été intégrés, non pas comme une simple main-d'œuvre, mais comme des acteurs à part entière du processus. Leur contribution physique a été concrète : porter des seaux d'eau, ramasser les déchets lors d'initiatives de nettoyage et aider à nettoyer le site. L'implication de ces jeunes a transformé le chantier en un lieu d'apprentissage pratique, où les concepts de travail collectif, de résolution de problèmes et de prise en charge de son environnement sont mis en pratique. 

Cette participation physique a un impact psychologique et social profond. Elle crée un sentiment d'appartenance et de responsabilité collective. Une communauté et des enfants qui ont investi leur énergie dans la construction sont naturellement plus enclins à entretenir et à protéger leur nouvelle école. C'est ce que l'on appelle l'appropriation communautaire, un facteur essentiel pour la pérennité de l'infrastructure. La recherche montre que dans les écoles où les comités de gestion sont actifs, la mobilisation des parents pour la maintenance et la collecte de fonds est nettement plus forte. L'implication des enfants et de la communauté est un investissement dans la gouvernance future de l'école.

En participant à la construction, les enfants et les parents passent du statut de simples bénéficiaires passifs à celui d'acteurs autonomes du développement de leur propre éducation, de leur communauté et surtout de leur bien qui est le village. Ce changement de voir les choses renforce la capacité des communautés à devenir des agents de changement, un élément clé des programmes de développement les plus efficaces. L'école devient alors plus qu'un lieu d'apprentissage : elle est le résultat d'un effort collectif, un symbole de leur pouvoir d'agir et une source de fierté pour toute la communauté. 

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Les enfants apportent les ingrédiants pour le ciment

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C'est déversé dans un trou pour être préparé

Preparation materiaux 5

Alimentation dd'une réserve d'eau pour les ouvriers

Le symbole de la réussite – Le bâtiment achevé et la cérémonie

OfficielVisite de l'Inspecteur de l'Enseignement du 1er degré de Vogan
pour la constructionde l'école Sévagan Kpota avec Kodgo

 

Le bâtiment achevé est la concrétisation d'un investissement tourné vers l'avenir. Il ne s'agit pas d'une simple structure, mais d'un environnement d'apprentissage de qualité, conçu pour répondre aux besoins de la communauté. L'école comprend plusieurs salles de classe équipées de mobilier, un bureau pour le directeur, un magasin pour le matériel (pour le quel nous participons à remplir) et, un élément crucial pour la rétention des élèves, un bloc sanitaire. 

Cette amélioration des infrastructures a un impact direct et mesurable sur les résultats scolaires. Des études ont montré que le passage d'écoles en matériaux provisoires à des écoles durables augmente significativement les taux de scolarisation, de rétention et d'assiduité. L'installation de latrines a un effet particulièrement marqué sur la fréquentation des jeunes filles. À long terme, l'amélioration de l'environnement d'apprentissage se traduit par de meilleurs résultats aux tests de niveau en mathématiques et en lecture pour tous les élèves, y compris les garçons, dont les bénéfices peuvent n'apparaître que dans les études à long terme.

La cérémonie de remise des clés marque l'apogée symbolique du projet. Cette cérémonie n'est pas un simple formalisme. Elle est un rituel social qui ancre le projet dans la culture locale, symbolisant le transfert officiel de la propriété et de la responsabilité du projet à la communauté qui l'a édifié. C'est un moment de célébration collective, où les efforts de tous les acteurs, des donateurs aux ouvriers en passant par les enfants, sont publiquement reconnus. Le bâtiment est ainsi pleinement intégré comme le bien et le patrimoine de la communauté. 

Le passage de la structure précaire au bâtiment achevé représente une évolution de l'école en tant que lieu et en tant que concept. Le tableau ci-dessous illustre l'étendue de cette transformation, de l'état initial des infrastructures à la valeur durable du nouvel environnement.

De l'Ancienne à la Nouvelle École : Impact sur l'Infrastructure et l'Apprentissage

Caractéristiques Clés

Ancienne École (Matériaux Provisoires)

Nouvelle École (Matériaux Durables)

Impact Démontré et Mesurable

Matériaux Terre, bois, paille Beton, tôle Durabilité, résilience aux intempéries et aux incendies
Conditions des Classes Surpeuplées (plus de 100 élèves), élèves au sol ou à 4-5 par bancs Salles de classe avec mobilier (tables, chaises, bancs) Amélioration des conditions d'apprentissage, concentration accrue
Installations Sanitaires Souvent inexistantes ou rudimentaires Blocs sanitaires modernes (dont une cabine pour personnes handicapées) Augmentation significative de la scolarisation et de l'assiduité des filles
Sécurité et Durabilité Risques d'effondrement et d'incendie Structure résiliente et sécurisée Réduction de l'absentéisme lié aux intempéries, sentiment de sécurité pour les élèves et enseignants
Impact sur les Apprentissages Niveaux d'apprentissage faibles   Amélioration des résultats aux tests de mathématiques et de lecture à long terme Les investissements durables produisent des bénéfices sur de nombreuses années

 

Un pas de géant pour le développement durable

La construction de cette école ne représente pas un événement isolé, mais un modèle de développement participatif et durable. Elle est le fruit d'une collaboration fructueuse entre divers acteurs, chacun apportant une contribution unique pour un objectif commun. Cette synergie entre AGBEMAVI (ADV Togo), les artixants, les bénévoles locaux nous représentant, les autorités gouvernementales et, plus important encore, la communauté elle-même, est la clé pour surmonter les défis structurels du système éducatif.

Cet investissement est bien plus qu'une dépense ; il s'agit d'un capital durable qui génère des bénéfices pour la communauté sur de nombreuses années. L'école, dans sa nouvelle forme, agit comme un catalyseur pour le développement social, contribuant à réduire les inégalités de Chefgenre et à lutter contre le fléau du travail infantile. Le bâtiment offre un environnement sain et sécurisé, renforçant la capacité des élèves à rester à l'école et à réussir.

Le travail ne s'arrête pas à la remise des clés. La pérennité de l'initiative dépend de la capacité de la communauté à entretenir et à gérer l'école. Cela nécessite un soutien continu pour les directeurs d'école et les comités de gestion, qui doivent être formés pour surveiller l'assiduité, gérer les ressources et maintenir un leadership participatif. Ce projet est un rappel puissant que l'éducation n'est pas seulement une question d'accès, mais aussi de qualité, d'équité et de durabilité, des principes qui, lorsqu'ils sont mis en œuvre avec succès, peuvent transformer des vies pour les générations à venir.


Alain lors d'une cérémonie de remise de matériel
avec le Chef du village de Wogba

Adv togo wugandome ecole

Ecole terminé (hormis le marquage sur le fronton) de l'école de Wugandomé

Les Acteurs Clés du Projet et Leurs Contributions

Acteurs Clés du Projet

Rôle Principal

Contribution Spécifique

AGBEMAVI
(ADV à l'époque)

Financement et Coordination Levée de fonds, planification stratégique, supervision globale
Les artisants locaux
(rémunérés : devis/factures)
Encadrement technique Expertise en génie civil, transfert de compétences, soutien aux ouvriers locaux
La Communauté Locale (Bénéficiaires) Main-d'œuvre et Appropriation Travail physique sur le chantier, gestion du projet, mobilisation des parents et des ressources
Les Enfants Participation physique et pédagogique Petits travaux sur le chantier, création d'un sentiment d'appartenance, sensibilisation à l'environnement
Le Gouvernement Togolais Soutien institutionnel Intégration du projet dans le Plan Sectoriel de l'Éducation, affectation de personnel éducatif, vision de développement