Le ciel du Togo, d'un bleu d'encre qui s'étire à l'infini, nous a vus arriver, mes amis et moi, sur une route d'un rouge flamboyant. C'était la poussière du désert, le sable ocre du Togo, qui s'était incrusté partout, même dans nos pores. Le village, tout droit sorti d'une carte postale ancienne, s'est offert à nous, mais notre destination était plus précise : un restaurant.
La maison, avec son toit en tôle ondulée qui semblait tenir par habitude, était le cœur battant de ce lieu. Mais le cœur de la cuisine, lui, se cachait dans un apatam à l'air libre. Un toit de branchages tressés, soutenu par quatre poteaux, protégeait le trésor culinaire de la maîtresse de maison.
C'est là que le spectacle a commencé. Le four, fait de la même terre rouge que la route, crachait une chaleur sèche. À l'intérieur, dans une marmite, un ragoût mijotait. Lorsqu'il en est sorti, une odeur de légumes épicés, profonde et gourmande, a envahi l'air.
"Ce n'est pas pour vous", nous a-t-elle annoncé, un sourire dans la voix. "C'est pour les ouvriers. Et c'est très pimenté !" Une précaution bienveillante, car au Togo, le piment n'est pas une option, c'est l'âme de la cuisine. Il relève les plats, assainit les aliments, et transforme la plus simple des préparations en un festin.
Notre dîner, à nous, ce serait du porcelet. La cuisinière l'avait fait rôtir à la broche, et maintenant, il était là, découpé en morceaux généreux, dans un grand récipient en aluminium. C'était un peu comme un plat de partage, mais en version togolaise.
Assis à une petite table en bois, sur des bancs bancals, nous avons commencé notre repas. Avec la main droite, nous avons saisi les morceaux de porc, tendres et juteux. Il n'y avait pas d'assiette, pas de couverts. Le plat était le point de ralliement, le centre de l'univers, et nous y piochions à tour de rôle, dans le respect et l'amitié.
Kodjo, mon ami togolais, avait l'honneur de se servir en premier. La tradition veut que l'aîné soit le premier servi. J'ai plaisanté en lui disant que c'était son privilège d'ancien, mais il a ri. Entre nous, les rangs n'existaient plus. Notre amitié avait transcendé les codes de la politesse, laissant Ablam, un autre ami, un peu gêné, car lui avait la réserve et la politesse togolaise ancrées au plus profond de lui. (voir l'article sur les codes de respect lors des repas)
Ce repas, dans l'intimité de ce restaurant, a été une leçon de vie. Un moment de grâce, où la simplicité du partage a eu plus de saveur que n'importe quel mets raffiné. Nous étions trois enfants, assis sous un toit de branchages, à savourer le goût authentique du Togo.