1. L'Atopani : Un Héritage Technologique et Spirituel
Le tam-tam parlant, connu sous le nom d'Atopani (ou Atumpani), est un instrument de percussion à double membrane, souvent sculpté dans un tronc d'arbre et recouvert de peaux animales. Sa particularité réside dans sa capacité à imiter les tonalités de la langue Éwé/Guin, une langue tonale. En modulant la tension de ses cordes et l'intensité des frappes, le percussionniste – appelé le tambourinaire ou le messager – ne produit pas de simples rythmes, mais des phrases et des proverbes codés.
La Réalité de sa Fonction : Le Média Ancestral
L'Atopani était, et demeure dans les milieux traditionnels, le canal d'information le plus rapide et le plus fiable. Il est le précurseur de la radio et de la télévision dans le paysage togolais.
- Communication Cérémonielle : L'Atopani ne sort que pour les grands événements coutumiers. Il annonce les funérailles des figures importantes (rois, sages, anciens), proclame les édits lors de l'intronisation des chefs coutumiers, et, surtout, appelle la communauté à la fête et aux rites.
- Archiviste et Juge : Il est le gardien de l'histoire et de la morale. Le tambourinaire, un initié désigné à vie, utilise l'Atopani pour raconter les épopées ancestrales, rappeler les lois et les règles sociales, éduquer et même adresser des jugements ou des mises en garde. Le proverbe rythmé peut glorifier ou proscrire, assurant ainsi la cohésion sociale.
- La Scène Vidéo : Dans la vidéo, l'homme frappe les tambours Atopani, dont certains sont parés de tissus blancs et rouges (symboles de pureté, de sacrifice et de vie). Cette performance n'est pas un concert, mais la transmission d'un message sacré, l'écho des ancêtres et la confirmation que les cérémonies de la fête Yaka-Okin sont en cours.
2. Yaka-Okin : Une Fête de Purification et de Partage
La fête Yaka-Okin est une célébration majeure des peuples Guin-Mina de la région des Lacs, notamment à Aného et dans ses villages environnants comme Aklakou-Mélonkou. Elle se déroule traditionnellement entre septembre et décembre, suivant la cérémonie hautement symbolique de la prise de la pierre sacrée (Kpessosso), qui marque le début d'une nouvelle année calendaire.
Yaka-Okin : Le Sens Profond du "Couscous Sacré"
Le terme "Yaka-Okin" (ou Yaka-Yèkè) signifie en langue Éwé/Guin : "manger le couscous traditionnel à volonté sans payer". C'est une invitation à l'abondance, à l'hospitalité et à l'effacement des barrières sociales.
- Le Repas Sacrificiel : Le plat central est un couscous de maïs cuit à la vapeur. Sa préparation est un rite en soi. Seules des femmes vertueuses et purifiées, souvent les Tassinous (reines-mères) ou des matrones respectueuses des interdits, sont autorisées à le cuisiner, garantissant la pureté du mets destiné aux ancêtres.
- La Fête du Pardon : L'aspect le plus noble de Yaka-Okin est son rôle de réconciliation. C'est le moment pour chaque famille de se rassembler, de se demander pardon, de mettre fin aux querelles et de renouer les liens brisés. La nourriture est partagée sans distinction, qu'il s'agisse de membres de la famille, d'amis, ou de simples visiteurs.
- Le Lien avec les Ancêtres : La consommation du Yaka-Okin est précédée et accompagnée de rituels. De petites portions du couscous sacré sont déposées devant les maisons et dans les couvents, en offrande aux mânes (esprits) des ancêtres. Ce geste est une manière de leur témoigner affection, mémoire et de s'assurer de leur protection pour le cycle agricole et social à venir.
- Durée et Répétition : Traditionnellement, après le rituel initial, le Yaka-Okin peut être dégusté quotidiennement pendant six mois, marquant une période de paix, d'abondance et de bénédiction.
3. La Communion Rythmique
Lors du Yaka-Okin, la performance de l'Atopani n'est pas séparée de l'acte de partage du repas.
- L'Appel : Le son de l'Atopani, tel qu'entendu dans la vidéo, appelle les esprits, alerte le village, et guide les participants.
- L'Unité : Les rythmes transmettent les messages d'unité et de fraternité, renforçant le sens profond de la fête : "l'argent est bien, mais l'homme est meilleur" (proverbe souvent traduit par l'Atopani).
- L'Héritage : L'Atopani d'Aklakou-Mélonkou, qui résonne en l'honneur de la fête de la grande famille de Kodjo Abel Zindodji, est la preuve vivante qu'en Afrique, la culture n'est pas un vestige, mais une réalité quotidienne et dynamique. Le son du tambour garantit que les paroles, les valeurs et les rites des anciens sont transmis, non pas écrits, mais gravés dans le rythme et le cœur de la communauté.
Ainsi, la vidéo n'est pas un simple document ethnographique, mais la captation d'un acte de foi et de civilisation où l'Atopani, voix des dieux et des hommes, orchestre la pérennité de l'identité Guin à travers le rituel sacré et convivial du Yaka-Okin.